Transcription de l’homélie du P. Olivier Maire lors de la célébration eucharistique du 300ième anniversaire de l’arrivée de la Bienheureuse Marie-Louise de Jésus à St Laurent.
À l’occasion du 300ième anniversaire de l’arrivée de la Bienheureuse Marie-Louise de Jésus à St. Laurent
le 11 octobre 2020
Père Olivier Maire, s.m.m.
« Heureux surtout d’être invité au repas du Seigneur ».
La parabole que nous venons d’entendre parle de noces (Mt 22, 1-10). Jésus se fait écho d’un texte du livre des Proverbes, un texte sagesse du début du chapitre 9, où il est écrit ceci : « La Sagesse a bâti sa maison, elle a sculpté et dressé sept colonnes, elle a tué ses bêtes, préparé son vin, elle a même dressé la table, elle a envoyé ses servantes, elle s’est mis à crier du sommet de la hauteur de la ville… – Vous qui êtes sot passé par ici, vous qui manquez d’intelligence, venez manger du pain et boire le vin que j’ai préparé. Quittez votre sottise et marchez sur le chemin de l’intelligence. » (Pr 9,1)
Bien, c’est ce qu’a fait la Bienheureuse Marie Louise de Jésus. Elle a pris la route, elle a répondu à l’appel de la Sagesse. C’est vrai qu’ici (à St. Laurent) la Sagesse a bâti sa maison… Je ne sais pas si vous l’avez remarqué dans la cour d’honneur de la Sagesse sur la porte est écrit : la Sagesse a bâti sa maison […] La Sagesse a bâti sa maison, diverses maisons.
Suivre la Bienheureuse Marie Louise de Jésus, c’est suivre le Christ Sagesse. C’est vouloir vivre de manière sage mais avec la Sagesse du Christ qui veut être une sagesse bien particulière.
La deuxième lecture nous en donne un exemple. Dans la lettre aux Philippiens (4, 12-14. 19-20), Saint Paul dit tout simplement qu’il sait aussi bien vivre dans la pauvreté que dans la richesse. Il est aussi heureux quand il a l’abondance que lorsqu’il manque de tout. Cette foi de sagesse, que de savoir-vivre de manière égale dans les circonstances extrêmement difficiles ou très diverses, c’est ce qu’a vécu Marie Louise toute sa vie.
Jeune fille, de bonne famille, de Poitiers, La Sagesse l’invite par la bouche du Père de Montfort à venir à l’Hôpital Général de Poitiers. L’époque, les hôpitaux généraux, c’était épouvantable. Ce sont des lieux de réclusion, d’exclusion où est enfermé tout le rebut de la société. Eh bien, c’est là que Marie Louise a trouvé son bonheur. Elle saura vivre aussi bien confortablement chez ses parents qu’en vivant à l’hôpital général de Poitiers en partageant la vie de ces pauvres qui étaient enfermés. Après de nombreuses années à l’hôpital de Poitiers, qu’elle a réformé et administré de manière magistral, le Père de Montfort l’invité à partir pour aller à La Rochelle pour s’occuper d’une petite école. Marie Louise pourra nous dire qu’elle est aussi heureuse qu’en administrant l’hôpital avec près de mille personnes, que d’aller faire la classe à quelques petites filles. Et puis, revenu à Poitiers, voilà qu’en 1720, elle reçoit encore cet appel à partir, cet appel de la Sagesse : Venez en Vendée. Elle va quitter Poitiers, cet hôpital général, pour venir ici (St. Laurent).
À Poitiers, c’était plusieurs centaines de pauvres et de malades, ici il n’y en aura qu’une petite poignée.
À La Rochelle, elle dirigeait l’école de 400 filles qu’elle avait fondée, ici elle n’aura qu’une poignée de jeunes filles de St. Laurent.
Elle sera aussi heureuse à La Rochelle, à Poitiers qu’à St. Laurent. Elle a appris ce que c’est que vivre selon la Sagesse. Une sagesse qui déjà est une sagesse humaine. Savoir vivre dans la gêne aussi bien que dans l’abondance, c’est une sagesse qui est aussi tout simplement une sagesse humaine. On ne peut pas vivre la sagesse divine si on ne partage pas d’abord une sagesse humaine. Cette sagesse humaine qui fait toujours confiance à l’avenir, au futur, toujours ouverte. En venant ici, Marie Louise trouvera une vieille maison, elle a peu de chose pour commencer. Elle vit la misère, elle vit la précarité. Et pourtant petit à petit son œuvre va grandir. Elle n’a pas commencé en disant : « Ah bien, je vais commencer l’établissement des Filles de la Sagesse lorsque j’aurai une grande maison, beaucoup de sœurs, des moyens et que je pourrai faire ceci et cela. Non. Elle a accepté avec sagesse de commencer tout petit pour faire l’œuvre du Seigneur. Preuve de sagesse.
Preuve de sagesse aussi, les habitants de St. Laurent qui l’ont aidé. Ah, c’est vrai qu’elle a eu beaucoup d’animosité et de problèmes mais elle aurait pu dire comme St. Paul : « Cependant vous avez bien fait de vous montrer solidaire quand j’étais dans la gêne. » Les personnes qui ont aidé Marie Louise au départ dans cette période très difficile, elles ont bien fait de l’aider. Vous pouvez vous imaginez si ces personnes-là n’avaient pas aidé Marie Louise, quel serait St. Laurent aujourd’hui.
Sagesse… Sagesse aussi, ce secret de la vie de Marie Louise qui nous est donné dans la première lecture, le livre de la Sagesse. Dans cette lecture, je soulignerai deux mots. Un premier mot, très curieux : pareil. La Sagesse est « pareille ». C’est-à-dire, elle est assise sur le même siège que nous. C’est traduit très bien, en disant si on la cherche dès l’aurore, on la trouvera assise à notre porte. Marie Louise nous dit ceci : Jésus le Christ n’est pas loin de nous. Il ne faut pas aller la chercher dans le ciel ou ailleurs. Jésus Christ Sagesse, on le trouve toujours assis à notre porte, assis sur le seuil de notre porte. Jésus est venu partager notre vie telle qu’elle est. On le trouvera toujours assis à notre porte. Il suffit de lui ouvrir.
Cette expression se lit en Sagesse 9, 4-6 quand Salomon fait cette prière à Dieu en disant : « Donne-moi la Sagesse assise près de toi ». La Sagesse n’est pas seulement assise près de nous, la Sagesse est toujours auprès de Dieu, assise sur le même siège que Dieu, étant Dieu lui-même. Le Christ Sagesse vit une double solidarité. Une solidarité d’abord avec nous; Jésus sagesse nous est solidaire. Mais il vit aussi une autre solidarité depuis toute éternité avec Dieu son Père. S’approcher de la Sagesse, c’est s’approcher de Dieu mais d’une manière douce, d’une manière simple, d’une manière humble comme quelqu’un qui est assise à côté de nous. C’et la proximité de Dieu dans notre vie.
C’est ce qu’a vécu Marie Louise. Elle a vécu, la présence de Dieu tout auprès d’elle. Le Christ Sagesse assis à côté d’elle. Mais le Christ Sagesse, pas seulement Jésus Christ, mais le Christ Sagesse dans la présence des plus pauvres et les tous petits. C’est cette solidarité qu’elle a vécu à l’Hôpital Général. On ne peut pas comprendre Marie Louise, ni le père de Montfort, si on n’a pas saisi ce qu’ils ont vécu pendant plusieurs années en partageant la vie des plus pauvres. Les exclus de la société de leur temps. C’est le secret de leur sainteté. Ils ont compris que le Christ Sagesse ne se trouvait pas dans le ciel ou dans une église mais se trouvait en partageant la vie des plus pauvres.
Et c’est le deuxième mot que je veux souligner dans la première lecture, (Sagesse 6, 12-14: 8, 1-3.9) : partager la vie. Le verbe signifie « être en salut », « être en symbiose ». La Sagesse vit une double symbiose. Elle vit une symbiose avec son Père et elle vit une symbiose avec nous. Ce « vivre avec », ce double vivre avec, c’est ce qu’a vécu Marie Louise, ici, ailleurs et partout dans la gêne comme dans l’abondance. Elle a vécu ce partage de vie avec les pauvres. Elle a vécu ce partage de vie avec le Christ Sagesse qui l’a toujours fait vivre. Elle l’a toujours vécu ce partage de vie avec ces sœurs en communauté. Elle nous apprend ici par ce partage de vie ce qu’elle rêve pour la vie consacrée, la vie religieuse : une vie donnée au Seigneur, un vit bien sûr en partage avec Dieu, être des « pareil » de Dieu, oser s’asseoir sur le siège de Dieu même, partager la vie des frères et de nos sœurs, c’est une vie communautaire pour lequel il est nécessaire d’avoir une maison et quelques tables et cette vie en solidarité, en partage avec les plus pauvres. Ce n’est pas un hasard, une obligation, du fait que la première maison que Marie Louise a occupé ici, elle la partage, non seulement avec ses sœurs mais elle l’a partagé aussi avec les petites filles de l’école et avec des vieillards qui venaient se soigner. Une vie en symbiose avec ses sœurs, avec les pauvres. C’est ce que Marie Louise aurait pu dire à tous ce matin : partager votre vie. Vivez une vie de partage avec d’autres, ne gaspillez pas votre vie en la vivant tout seul, isolé, protégé du monde, protégé des autres – faut se protéger du virus mais pas se protéger des autres.
Cette symbiose avec le monde dans lequel nous vivons, ce monde de l’exclusion comme dirait le Pape François, ce monde de la périphérie, c’est ce qu’a vécu Marie Louise. La vie fraternelle, la dernière encyclique du Pape (Fratelli tutti), nous le rappelle, vivre en symbiose avec l’autre, la vie fraternelle et vivre en symbiose avec Dieu lui-même. Osons nous asseoir pour un temps de partage fraternel, osons nous asseoir avec les plus pauvres, avec les exclus, les rebuts de l’humanité. C’est une expression tirée d’un cantique que le père de Montfort a composé pour Marie Louise de Jésus. Et osons nous asseoir avec Dieu lui-même. Soyons des « pareil ». Asseyons-nous entre frères et sœurs, asseyons-nous avec les plus pauvres, asseyons-nous avec Dieu. C’est aussi ce que disait St. Paul dans la première épitre aux Corinthiens. Il dit : « Ceux qui donnent leur vie au Seigneur et aux autres, ils sont assis sur le même trône que Dieu lui-même ». Alors osons nous asseoir avec Dieu, et pas seulement, avec nos frères et sœurs, dans la fraternité et avec les pauvres, les exclus et les rebuts de de l’humanité.