Les Trois Sœurs(1) : une métaphore d’interdépendance et de réciprocité
Au long de la dernière année, les bulletins d’information nous sensibilisent au défi des agriculteurs dans le contexte du changement climatique et l’urgence de penser la pratique de l’agriculture d’une autre manière. Et si nous contemplions comment différentes espèces de plantes agissent entre elles. Peut-être découvrions-nous une sagesse de vie pour la vie humaine. Robin Wall Kimmerer raconte cette sagesse découverte par les Premières Nations de l’Amérique. Les plantes racontent une histoire, dit-elle, non par ce qu’elles disent mais par ce qu’elles font. Ainsi en est-il de trois plantes, appelées les Trois Sœurs : le maïs, le haricot et la courgette qui nourrissent les peuples, la terre et l’imagination nous indiquant comment nous pourrions vivre ensemble.
Les Trois Sœurs plantées ensemble, lorsqu’elles croissent, nous enseignent une leçon de réciprocité. Le maïs ayant une tige rigide qui s’élance vers le ciel fournit le support au plan d’haricot lui permettant d’étendre sa vigne vers le soleil. À son tour, la courgette forme de larges feuilles, comme des ombrelles, qui dissuadent les chenilles d’attaquer le plan d’haricot, et qui retiennent l’humidité empêchant d’autres plantes de grandir. Les racines des trois plantes fournissent l’une à l’autre le nécessaire pour leur croissance, leur productivité et leur maintien au sol.
La métaphore des Trois Sœurs nous enseigne que la connaissance la plus importante est celle de son don unique et la manière de l’utiliser dans le monde. L’individualité est chérie et nourrie, car pour que l’ensemble s’épanouisse, chacun d’entre nous doit être fort de son identité et porter ses dons avec conviction, afin de pouvoir les partager avec les autres. Ces trois plantes sont une manifestation visible de ce qu’une communauté peut devenir lorsque ses membres comprennent et partagent leurs dons. Utilisons nos dons pour prendre soin les unes des autres, travailler ensemble et toutes seront nourries.
Il y a un 4ième partenaire dans le jardin des Trois Sœurs : le jardinier. Nous sommes les jardinières qui défrichons la terre, l’ensemençons, enlevons les mauvaises herbes, récoltons les fruits, conservons les semences durant l’hiver pour les replanter au printemps. Nous sommes les sages-femmes de leur don. Nous ne pouvons vivre sans elles et il est aussi vrai qu’elles ne peuvent vivre sans nous. Nous appartenons aussi à la réciprocité. Elles ne peuvent accomplir leur responsabilité sans que nous accomplissions les nôtres. La tige du maïs, la feuille des courgettes et la racine du haricot sans un mot incarnent le savoir de la relation. Lorsque nous nous tenons ensemble, un tout émerge qui transcende l’individu. Tout don est multiplié dans la relation.
En ce temps de Chapitre, puisse chacune découvrir le don qui lui est propre, l’offrir en réciprocité et permettre au Corps que nous formons de devenir nourriture pour le monde.
(1) Robin Wall Kimmerer, Braiding Sweetgrass: Indigenous Wisdom, Scientific Knowledge and the Teaching of Plants, Milkweed editions 2013, Canada.